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LE RETOUR DE L’ÎLE DU DIABLE


tions et vaticinations de Déroulède à Angoulême, puis à Saint-Cloud, au théâtre de la République et à Mende[1] : « L’heure est venue, clamait-il, les temps sont proches !… Oui, à l’Élysée ! Honte à tous, malheur à tous, la fin pour tous, si on ne s’insurge pas ! Je sais qu’ils ont déclaré que je serais arrêté si je continuais à les braver. Advienne que pourra, je leur crache à tous au visage mon dégoût et mon mépris !… Il nous faut un général… La population descendra dans la rue aux côtés des vaillants qui ont l’habitude de se faire tuer. Vous connaissez des gens de l’armée qui parlent de discipline et de respect de la Constitution. Il n’y a qu’un respect : celui de la France… Peut-être l’armée hésite-t-elle encore à franchir le Rubicon dérisoire qu’a tracé pour elle une constitution usurpatrice… Le peuple est avec elle, qu’elle soit avec le peuple… Je sonnerai l’appel quand l’heure sera venue… La caserne est là, les faisceaux sont là ; que ceux qui ont des fusils les prennent[2] ! » C’était l’apparente folie de cette conspiration en plein vent qui rassurait les républicains ; ils en concluaient que « Tintinnabule » et ses « trublions[3] » ne s’agitaient et ne

  1. 8 juin, 2, 16 et 30 juillet 1899.
  2. Et encore : « Le coup de force, pour le moment, ne peut réussir qu’à une heure non définie. La Révolution de demain s’accomplira par l’union de l’armée et de la rue. (Cris de : « Vive Marchand ! » et de : « À bas Reinach ! ») Les paroles violentes sont un danger. Il ne faut pousser des cris que lorsqu’on est prêt à passer aux actes… Moi, je marcherai. » (Compte rendu sténographique du Gaulois.) — Les autres orateurs de ces réunions, Thiébaud, Marcel Habert, Syveton, tinrent à peu près le même langage ; Millevoye ajouta : « Si un jour nous sommes obligés d’aller à la frontière, nous ne garderons derrière nous ni les Reinach, ni les sous-Reinach. »
  3. Anatole France, Monsieur Bergeret, 378 : « Chacun d’iceulx frappant avec cuiller à pot sur trublio ce qui est à dire marmite de fer et casserole en françois… »