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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

Mazeau n’osa pas assister aux séances[1],

Maxime Lecomte, qui parla le premier, posa solidement la question, qualifia l’enquête sur la Chambre criminelle : « une des plus grandes hontes du siècle ». « Les arrêts dictés par l’opinion publique, je n’appelle plus cela la justice, mais l’arbitraire, et l’arbitraire sans honneur. »

Le débat s’éleva surtout avec Bérenger. « Ferme républicain et très ferme catholique », disait-il de lui-même, il avait trouvé dans son héritage familial l’intransigeance juridique et, quand il s’agissait de la liberté et du droit, ne connaissait plus ni amis ni ennemis. Il avait même voté contre la proposition de Waldeck-Rousseau, à l’époque de la mise en jugement de Picquart, « bien que ce fût une loi de procédure et malgré l’incontestable utilité qu’elle pouvait avoir » ; mais « il lui avait reconnu le caractère d’une loi de circonstance », et cela avait suffi à l’en écarter. Au contraire de la plupart des hommes de réaction et de beaucoup de néo-jacobins, il n’avait pas de principes intermittents et son phare de justice n’était pas à éclipse.

Il répondit à Lamarzelle, qui, au nom de la Droite, avait dit de la loi (ou à peu près) : « Notre loi[2] », et à Bisseuil. Nulle flétrissure ne pouvait tomber de plus haut que la sienne sur les procédés, « indignes du caractère français », qui avaient été employés contre des magistrats irréprochables, et il marqua les auteurs de ces vilenies ; d’abord Herqué : « Je n’aurais jamais cru qu’on osât charger un officier d’une mission sem-

  1. Son absence fut constatée le 27 par Monis et le 28 par Morellet.
  2. « Ici, nous ne faisons pas autre chose… (Applaudissements ironiques à gauche.) Pourquoi ne dirais-je pas « nous », puisque ce projet du gouvernement devient mien, étant donné que je le vote ? »