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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


et le butin d’une douzaine de perquisitions, fructueuses bien que tardivement ordonnées. C’était la correspondance des principaux chefs, les convocations pour la journée du 23, d’autres convocations pour aviser à réparer le « fâcheux résultat » de l’affaire de Reuilly, les projets de proclamation du Roi, les listes des futurs préfets et magistrats « pour le cas où les fonctionnaires actuels auraient refusé de servir le nouveau régime », les lettres au duc d’Orléans au sujet de Chanoine, celles de Ramel au sujet de Déroulède, celles de Mmes de Waru et d’Adelsward au sujet des 200.000 francs souscrits à la veille des obsèques de Faure[1], enfin les dépêches échangées avec le prétendant que le commandant Bazeries réussit à déchiffrer[2]. Il en résultait à l’évidence que les royalistes avaient conspiré de leur côté, cherché, eux aussi, à faire révolter l’armée, qu’ils s’étaient assuré le concours de la démagogie anti-

  1. Perquisitions chez de Vaux, de Plas, Sabran, Monicourt, Godefroy, Chevilly, Buffet, Bourmont et Bastard d’Estang, les 25, 26 et 27 février, 5 mars et 5 avril 1899. (Haute Cour, IV, 175 à 229.)
  2. Haute Cour, VII, 5, Bazeries. Il avait déchiffré, en 1891, les dépêches de Louis XIV relatives au Masque de fer et, en 1895, celles de Napoléon pendant la campagne de 1813. Ayant pris sa retraite le 20 février 1899, il fut recommandé par un fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères, où il avait travaillé, au préfet de police et au directeur de la Sûreté générale. Ils lui remirent les dépêches saisies et le tableau cryptographique, dit chiffre carré ou chiffre Vigener, qui avait été trouvé chez Chevilly. Bazeries traduisit presque immédiatement les dépêches Chevilly, puis celles de Buffet, faites avec le chiffre de Beaufort ; enfin, mais seulement après quatre mois de travail, les dépêches de février 1898. « La clef avait changé ; ces messieurs avaient, sans doute, convenu verbalement avec le duc d’Orléans qu’ils se serviraient comme clef de la Nuit de décembre de Musset : le 1er du mois, on prenait le premier vers comme clef ; le 3° jour du mois, le troisième vers… etc. » Ces traductions furent reconnues exactes par Buffet et Chevilly.