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CAVAIGNAC MINISTRE


à l’avance « entre les coupables[1]. Dès lors, Marguerite entraînait à la fois son amant et Du Paty devant la justice civile.

La subtilité de Bertulus ne servit de rien. Dès qu’il eut rendu son ordonnance, le procureur de la République se pourvut devant la chambre des mises en accusation, alléguant l’incompétence générale de Bertulus, et Picquart s’y pourvut également, parce que le juge était compétent pour le tout[2].

Bertulus ajourna son ordonnance sur Esterhazy après la décision de la chambre des mises en accusation sur Du Paty.

Esterhazy, quand il connut le pourvoi du ministère public dans l’intérêt de Du Paty, éclata. Le séparer de Du Paty, c’était le perdre. Il déclara à Tézenas qu’il ne se laisserait pas sacrifier et que, s’il était renvoyé seul devant les assises, « le Syndicat, ce jour-là, ferait une abondante récolte de plumes d’autruche[3] ».

Du dehors, tous les yeux étaient braqués sur les cinq magistrats[4] qui tout à coup semblaient devenus les maîtres de l’Affaire. La presse nationaliste les somma de déjouer les complots des ennemis de l’armée ; les revisionnistes les invitèrent à oublier que l’accusé était

  1. Article 227 du Code d’instruction criminelle. Je soutins dans le Siècle (30 juillet 1898) la théorie de la connexité des délits ; de même Trarieux. Bard (Cass, 2 septembre 1898) incline dans ce sens, mais déclare que la chambre des mises en accusation, qui adopta sur ce point le système de Bertulus, « a pu légalement refuser de voir une connexité entre le faux Blanche et les autres ». L’arrêt de la Cour reprend la même formule.
  2. 29 juillet. — Picquart se pourvut en tant que partie civile.
  3. Dessous de l’Affaire Dreyfus, 37, et lettre du 14 septembre 1898 à Sarrien. (Revision, 83.)
  4. Caze, président ; Villiers, Corentin Guyho, de Vaulx d’Achy et Wendling, conseillers ; Blondel, avocat général. — Ils se réunirent le 2 août et rendirent leur arrêt le 5.