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CAVAIGNAC MINISTRE


Du Paty ne pouvait être attribuée qu’à une véritable aberration[1]. »

Roget, qui, dans cette absence prolongée de Boisdeffre, devenait le grand homme du ministère, appuya Gonse : il n’y avait pas, à l’en croire, de pire menteur que Du Paty et rien de plus « maladroit » que son intervention en faveur d’Esterhazy ; elle n’avait pas eu d’autre résultat « que de faire suspecter, sans aucun motif sérieux », la plus régulière des procédures ; « il n’y avait pas l’ombre d’une preuve contre Esterhazy[2] ».

Cavaignac n’eût pas été lui-même s’il n’avait pas ajouté foi aux déclarations des grands chefs après avoir fait mine de les contrôler, et, comme « ce » Du Paty était son cousin, s’il n’avait pas refoulé, à la romaine, tout sentiment de famille. Toutefois, il hésita quelque temps, s’étant persuadé, parce que c’était de son intérêt, que les démarches auprès d’Esterhazy étaient seulement des « imprudences[3]) » et frappé du ton « sincère[4] » de Du Paty dans leurs fréquents eût retiens. Mais Roget lui répliquait invariablement que son parent « men-

  1. Cass., I, 566, Roget.
  2. Ibid., I, 106, 107, Roget : « Esterhazy est en partie de bonne foi ; il est, dans cette circonstance, comme dans toutes les autres, inspiré par Du Paty. Celui-ci a probablement dit à Esterhazy qu’il agissait du consentement de ses chefs ; il y a, dans tous leurs agissements, une idée bien visible de compromettre l’État-Major… La meilleure preuve que ce qu’on a appelé l’État-Major ne pouvait être tenu par aucune espèce de crainte au sujet des révélations d’Esterhazy, c’est que jamais on ne m’a empêché de chercher la vérité… etc. »
  3. Cass., II, 190, Du Paty. — C’était, d’ailleurs, l’avis de Roget : « Les actes de Du Paty ne peuvent être qualifiés de crimes ou délits. » (Cass., I, 105 ; Rennes, I, 321, 324.)
  4. Cass., I, 629, Roget : « Cavaignac pourra témoigner qu’il m’a fait souvent appeler après ses entrevues avec Du Paty et que la conversation commençait généralement ainsi entre