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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


arrivé à la conviction que son camarade avait eu de fréquentes entrevues avec Esterhazy et toutes sortes de relations fâcheuses, « à l’insu des chefs », et que les faux télégrammes étaient de son cru, ainsi que la ridicule invention de la dame voilée et du document libérateur. Aussi bien n’avançait-il rien qu’il ne pût prouver : dans l’unique visite qu’il avait faite à Marguerite Pays, la maîtresse d’Esterhazy, qui était au courant de tout, lui avait dit, par inadvertance, que Du Paty était l’auteur des dépêches, « la seule faute qu’on eût commise[1] » ; — précédemment, quand Esterhazy menaça Félix Faure d’une pièce qui prouvait la « canaillerie » de Dreyfus, Gonse et Henry se demandaient quel pouvait bien être ce mystérieux document ; ni l’un ni l’autre, « ni personne n’aurait pensé spontanément à la pièce Canaille de D… » ; or, Du Paty la désigna aussitôt, comme quelqu’un qui savait à quoi s’en tenir ; Henry avait, alors, manifesté quelque surprise ; et, s’il révélait le fait à Roget, c’est qu’il se souvenait de son étonnement dans ces circonstances[2]. Apparemment, Du Paty avait conservé cette pièce du procès de 1894[3]. De plus, Du Paty était l’auteur de la lettre Espérance qui avertit Esterhazy à Dommartin-la-Planchette. « adresse qu’il demanda sous un prétexte quelconque », et aussi de l’autre lettre anonyme, celle qu’Henry avait fait fabriquer par Lemercier-Picard et signer

  1. Cass., I 105, 625, Roget : « Je suis le premier à qui Henry en ait rendu compte immédiatement après l’entrevue. » I, 567, Gonse.
  2. Ibid., I, 102, Roget : « C’est l’étonnement exprimé par Henry dans cette circonstance qui a fait qu’il s’est souvenu du fait pour me le révéler… » Rennes, I, 323 : « Henry m’a rapporté cette conversation… Au mois de juillet peut-être… Je croyais que cela excluait complètement Henry pour la raison que c’était lui m’avait fait la révélation. »
  3. Cass., I, 101, Roget.