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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


une heure du matin[1] pour en prendre livraison et les faire conduire au Dépôt, après leur avoir donné lecture du mandat d’amener. Ils y étaient seulement inculpés « de s’être introduits dans la caserne à la tête d’une bande de manifestants et d’avoir refusé d’en sortir, malgré les injonctions de l’autorité militaire »[2].

Les « termes » de ce mandat parurent à Déroulède une injure. Un homme comme lui ne pouvait être coupable que d’un crime d’État. Il se récria tragiquement et fit insérer au procès-verbal « qu’il s’était rendu place de la Nation pour entraîner les troupes dans un mouvement insurrectionnel et renverser la République parlementaire ».

S’il était permis de faire de l’esprit avec les lois, Dupuy, en qualifiant de tapage l’acte de Déroulède, en le disqualifiant ainsi, aurait recommencé assez gaîment Mazarin. Mais sa préoccupation personnelle était trop visible et la loi ne distingue pas entre les attentats, qu’ils soient commis par des Bonaparte, des Matamore ou des Scapin.

Paris (le boulevard et le faubourg) s’amusa de cette équipée, parce que Déroulède n’avait jamais passé le grade d’un conspirateur d’opérette, et parce qu’il n’avait pas réussi ; à peine si quelques républicains, qui se souvenaient des débuts de Louis-Napoléon, protestèrent que traiter par le dédain la tentative de Reuilly, c’était inviter à la recommencer, et que ce prétendu coup de tête était certainement le résultat d’un complot.

Pour les royalistes, ils étaient furieux que Déroulède, « qui s’était conduit comme un fou[3] », leur eût fait perdre une si belle occasion, et inquiets pour leur propre

  1. Instr. Pasques : « À 12 heures 55 ». » Roget venait de rentrer chez lui, après avoir prié Cochefert de remettre au colonel du 82e une réquisition écrite.
  2. Ibid., 3 et 7.
  3. Rapport Hennion du 25 février. — Haute Cour, V, 14, de Vaux à la Jeunesse royaliste, Dailly à Dubuc, etc.