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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


Kerdrain, « s’ils persistaient dans l’intention de rester à la caserne »[1]. Déroulède, comme on pense, renouvela son refus, criant à son ordinaire[2] et se drapant dans son Brumaire raté. Il protesta qu’il n’était pas un vulgaire manifestant, « qu’il avait tenté d’embaucher les hommes de Roget et de les conduire à l’Élysée », qu’il ne voulait pas être mis dans la rue et que, certain d’être arrêté après ce qui s’était passé, il ne voulait pas l’être ailleurs qu’à la caserne[3]. D’ailleurs, « Roget avait tort de ne pas trouver la chose aussi grave qu’elle l’était »[4].

Roget lui dit « qu’il ne pouvait pas rendre compte de ce qu’il n’avait pas entendu », mais, comme « il ne pouvait ni le trouver moins coupable qu’il le déclarait lui-même, ni l’expulser de force », il n’insista pas et se retira dans son bureau[5].

Cependant Dupuy, informé par Zurlinden et par le bruit de l’échauffourée qui se répandait dans Paris, ne se sentait pas plus à l’aise que les généraux, avec cette nouvelle affaire sur les bras, qu’il n’avait pas su empêcher, malgré tant d’avertissements, et qui aurait pu tourner si différemment, sans l’esprit de discipline des soldats, la correction de Roget et la pusillanimité de Pellieux. Dès qu’il connut les faits qui étaient patents[6], il

  1. Haute Cour, 1er  décembre 1899, Roget. — À l’instruction Pasques : « J’avais arrêté ces messieurs pour les mettre hors d’état de faire de l’agitation dans la caserne, mais je ne me croyais pas le droit de maintenir leur arrestation si je n’en recevais pas l’ordre. » (15.)
  2. Instr. Pasques, 15, Roget : « Déroulède s’emporta. »
  3. Ibid.
  4. Procès-verbal des déclarations de Roget le 24 février à 2 heures et demie du matin, devant Cochefert. (Instr. Pasques, 6.)
  5. Ibid., 15, Roget.
  6. Dupuy alléguerait à tort que les rapports de Zurlinden et de Roget étaient insuffisants ; le préfet de police et le directeur de la Sûreté générale (Viguié) devaient savoir, à neuf heures,