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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS
les portes de la caserne et faisait rompre les rangs à ses régiments, sans rendre les honneurs au drapeau, afin d’en finir plus vite[1], Déroulède se mit à déambuler à grands pas dans la cour et à interpeller les officiers qui l’écoutèrent, mais par curiosité, et les soldats qui, « n’ayant pas mangé depuis midi, se fichaient pas mal des manifestants[2] » : « L’armée, criait-il, me fait prisonnier, moi qui ai arrosé de mon sang les plis de son drapeau ; pour vous, j’ai eu trois duels ; vous êtes des lâches !… L’armée m’a trahi… Tout est pourri ici ; on a pourri les soldats ; vous n’êtes plus des soldats, vous êtes des parlementaires[3] ! » Et toutes sortes d’autres
- ↑ Instr. Pasques, 14, Roget ; 21, Daudier ; etc.
- ↑ Ibid., 43, sapeur Magnat. — De même les sapeurs Roblot (47), Hugnit (49), Chandelier (50), Beaubaut (51).
- ↑ Haute Cour, VII, 107, Michel, ancien soldat au 45e de ligne, déposition du 20 octobre 1899. Il raconta l’incident à l’un de ses anciens professeurs, Raoul Allier, mais en le priant d’être discret, « afin de lui éviter des ennuis » dans son régiment. Il renouvela ensuite sa déposition en audience publique (2 décembre 1899.) — Selon Barrès (250), Déroulède aurait dit à des officiers supérieurs : « On se fatiguera de vous entretenir. Nous nourrissons une armée, c’est pour qu’elle nous rende des services à l’intérieur ou à l’extérieur. Depuis 1870, vous ne nous avez servi de rien. » — Selon Drumont, il se serait contenté de dire :« Mais vous êtes donc aussi des parlementaires ? Vous ne sentez donc pas que la France attend de vous son salut ? » (Libre Parole du 11 mars 1899.) — Roget, devant la Haute Cour, contesta ces propos « qu’il n’avait point entendus et que personne n’avait entendus ». Or, le lieutenant Daudier en avait déjà relaté plusieurs à l’instruction Pasques (21), les capitaines Bastien et Gerber confirmèrent la déposition de leur camarade (22 et 23) ; Morris allégua seulement « qu’il ne pouvait pas les reproduire, faute de les avoir compris » (52) ; enfin Déroulède lui-même convint de sa harangue : « Je n’ai plus fait appel à la bonne volonté de personne ; j’ai laissé seulement éclater ma colère et mon désespoir en termes violents et sans doute injurieux. » (31). De même Habert : « Je m’adressai, en même temps que Déroulède, aux généraux et aux officiers. » (39.) Précédemment, Roget avait déposé devant Pasques : « Je ne sais