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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


que « la rue à droite », c’était celle du faubourg Saint-Antoine, qui se trouvait, en effet, à droite de la brigade, et ne comprenant pas pourquoi Déroulède voulait descendre par le boulevard Diderot à sa gauche, alors que les manifestants poussaient du côté opposé, il s’écria de sa voix aiguë : « Non ! non ! laissez passer, c’est le chemin de la Bastille ! » et en fit l’observation à son ami[1]. La bande, entre ces ordres contradictoires[2], flotta, parut s’arrêter, « tournoya sur elle-même ». Quand Habert comprit, c’était trop tard. La tête de colonne, sur un nouveau signe de Roget, s’était engagée dans le boulevard Diderot, suivie par le reste des troupes ; les sapeurs se dégagèrent des ligueurs qui les avaient pris par le bras[3] ; un peloton du 4e de ligne, que le général avait fait chercher par son officier d’ordonnance[4], avait commencé à déblayer le terrain ; et, quand il arriva à l’angle de la rue de Reuilly, il n’eut qu’un geste à faire pour que les sapeurs lui ouvrissent la route de la caserne[5]. Déroulède, maintenant, n’objurguait plus, « suppliait[6] » : « Je vous en prie, mon général, sauvez la France. Ce n’est pas là, général (à la caserne), c’est à Paris qu’il faut aller. » — Guérin suivait toujours et criait qu’en effet la caserne n’était pas l’Élysée[7].

  1. Instr. Pasques, 30, Déroulède ; 38, Habert. — Cet incident est également passé sous silence par Roget. Il dit seulement « qu’au moment où les sapeurs arrivaient à la hauteur de la rue du faubourg, Saint-Antoine, il crut s’apercevoir qu’on essayait de leur faire prendre cette rue ». (12.)
  2. Ibid., 30, Déroulède ; 38, Habert ; 17, Gauchotte : « Les manifestants parurent s’arrêter, comme hésitants. ».
  3. Ibid., 24, Pager.
  4. Ibid., 13, Roget ; 17, Gauchotte ; 18, lieutenant Simoni ; 51, Morris.
  5. Ibid., 13, Roget.
  6. Ibid., 52, Morris.
  7. Haute Cour, 21 novembre 1899, Guérin.