Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1904, Tome 4.djvu/607

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
603
MORT DE FÉLIX FAURE


ses propres haines, il se montra résolu, tout le temps, « à maintenir sa troupe dans le devoir », et se cramponna à sa consigne : faire rentrer la brigade au quartier, « et le plus tôt possible[1] ».

Déroulède et Habert se rendirent compte qu’il n’avait pas d’autre idée en tête et, dès lors, que « l’opération était manquée[2] ». Cependant Déroulède tenta une dernière manœuvre : puisque Roget ne voulait pas marcher de son plein gré, l’entraîner de force, et, pour cela, faire barrer l’entrée de la rue de Reuilly, à droite du boulevard Diderot, par ceux de ses hommes qui marchaient à ses côtés, opposer à la brigade ce mur vivant, la pousser en avant de l’angle de la caserne : « Le Rubicon, dira-t-il plus tard, eût été franchi et la brigade Roget était à nous[3]. » C’était parfaitement « insensé[4] », car les sapeurs de Roget n’auraient pas eu de peine à bousculer ces braillards. De plus, quand il hurla : « Barrez la rue à droite ! », Habert, qui ne savait pas où se trouvait exactement la caserne (à la bifurcation de la rue de Reuilly et du boulevard Diderot), s’imagina

  1. Instr. Pasques, 12 et 14, Roget ; 17, Gauchotte ; 38, Habert, etc. — Roget affirme d’abord « n’avoir ni entendu ce que disait Déroulède », ni distingué les cris des ligueurs : « Dans une situation pareille, on perçoit en gros des sensations, mais on est incapable de notations précises… Je n’avais pas perçu ce qui s’était passé. » Gauchotte et Morris ont entendu les cris : « À Paris !… » Dans une seconde déposition, Roget rectifie son récit du 26 février : « Il est possible que Déroulède m’ait exhorté à le suivre en disant : « Sauvez la France, sauvez la République ! » (64.)
  2. Ibid., 38, Habert.
  3. Haute Cour, 20 novembre 1899, Déroulède.
  4. Gauchotte dit que l’intention d’entraîner la troupe sur Paris était « un acte de folie ». (17.) De même le commandant de Sérignan : « Il nous paraissait insensé que deux individus, sans autorité morale personnelle, aient eu l’idée d’une tentative aussi extravagante. »