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MORT DE FÉLIX FAURE


commandé, réfléchit plus qu’il ne l’avait encore fait au crime où il avait été convié. Le crime eût été surtout horrible s’il avait été vainqueur ; vaincu, écrasé entre Zurlinden fidèle et les républicains soulevés, il était fort vilain. Pellieux, pour la première fois, le vit en face, et comme il était un vrai soldat et entouré seulement à cette heure de militaires, il recula, se résolut à se soustraire lui-même à la tentation. Vers le milieu de la journée, en quittant le parvis de Notre-Dame après le service religieux, et après avoir constaté une fois de plus que le peuple ne bougeait pas, ne huait ni Loubet, ni le Sénat, ni même la Cour de cassation, il arrêta son plan de retraite. S’il conduit ses troupes à la place de la Nation, conformément au programme, Déroulède jaillira de la foule pour l’inviter à le suivre et, s’il refuse, pour lui cracher au visage ses promesses. De toutes façons, le voilà compromis et en pure perte. Il faut donc qu’il ne paraisse pas au rendez-vous. Déroulède, en ne l’y voyant pas, comprendra. Il ne sera pas assez sot pour se jeter à la tête du premier cheval venu, monté par un général.

« Un quart d’heure environ avant l’arrivée du cortège au Père-Lachaise[1], » Pellieux aborda le chef d’État-Major de Zurlinden, et lui confia que « des inquiétudes » lui étaient venues « au sujet d’acclamations bruyantes qui devaient l’attendre à la place de la Nation » L’officier avisa aussitôt Zurlinden, qui « n’attacha pas grande importance à la communication », puisque le Gouvernement, « qui devait être mieux informé », ne l’avait prévenu de rien de tel. — Dupuy possédait

  1. Je suis ici le récit, très manifestement véridique, de Zurlinden. (Haute Cour, Affaire Lur-Saluces, 25 juin 1901.) Zurlinden avait été cité par le ministère public.
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