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MORT DE FÉLIX FAURE

Cependant Buffet et ses amis, tout ennuyés qu’ils fussent d’être tenus à l’écart par Déroulède, n’en étaient pas au point de se contenter de lui faire échec ; et, comme l’occasion leur paraissait incomparable, ils s’arrêtèrent à ce plan de lui laisser ouvrir la brèche, mais de s’y jeter avec lui. Habitués à prendre leurs propres déclamations et criailleries, celles des nationalistes, le vacarme de la presse et de la rue pour le cri de la nation, ils s’en persuadèrent encore plus pendant cette semaine agitée où, chaque soir, des bandes conspuaient Loubet sur les boulevards[1], et ils s’étonnaient, chaque matin, que la Révolution n’eut pas éclaté encore. Ils harcelèrent donc le prétendant de télégrammes : « Situation très grave… Importantes manifestations… Conseille partir Luxembourg[2]… », et le voyaient déjà, pendant qu’on se battrait dans Paris, montant à cheval et entraînant les régiments sur son passage. — Un agent, dont le nom n’a pas été révélé, alla, à cet effet, proposer à un médecin de Longuyon (localité de l’arrondissement de Briey, à quelques pas du duché de Luxembourg), de recevoir chez lui, pendant deux ou trois jours, le duc d’Orléans ; le prince se rendrait de là à Paris, si son parti le jugeait nécessaire, « c’est-à-dire à l’heure de la révolte, de l’inéluctable révolution » ; autrement, il courait le risque « d’être arrêté à la frontière, coffré et fusillé », et il préférait ne pas l’être, surgir tout à coup, « en pleine émeute », sur le sol même de la patrie[3]. Le docteur (Duréaux) refusa, « alléguant qu’il ne voulait pas

  1. Haute Cour, I, 72 et 75, dépêches des officiers de paix.
  2. 18 et 19 février 1899. (Haute Cour, I, 107, télégrammes Fréchencourt et Buffet.)
  3. Haute Cour, 16 novembre 1899, Buffet.