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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


que Déroulède avait promis de « marcher, le 23, sur l’Élysée, quand tout le monde serait dehors », que Marcel Habert le criait à qui voulait l’entendre, que Coppée avait ajouté : « Déroulède fera marcher les faubourgs ; nous (Lemaître et lui) les gens en redingote[1]. » Les deux Directeurs de 1799, qui avaient lié partie avec Bonaparte, ne furent pas plus fourbes, et les trois autres ne furent pas plus imbéciles.

Déroulède décida, en conséquence, avec Habert, qu’ils suivraient le cortège avec tous leurs amis, « à la place que leur assignerait le Journal Officiel », et qu’au moment qui leur paraîtrait le meilleur, — quand ils se trouveraient « en contact avec une colonne d’infanterie, général en tête », — ils lanceraient, « dans la direction et sur les points fixés d’avance », — sur l’Hôtel de Ville, sur la place de la Bastille et sur la place de la Nation[2], — « cette force considérable » qui n’attendait qu’un signal[3].

Si les journaux[4] n’avaient pas révélé à temps que Dupuy consentait à faire escorter officiellement le Président de la République et les Chambres par plusieurs milliers de Ligueurs sous les ordres de Déroulède, il est

  1. Rapports d’Hennion du 20. (Haute Cour, I, 16.) Dès janvier, Coppée disait, le soir de la première conférence de Lemaître : « Il y avait tellement d’enthousiasme ce soir-là que, si nous avions eu un homme à notre tête, nous marchions sur l’Élysée. (Rapport du 26 janvier.)
  2. Instr. Pasques, 27, 28 et 29, Déroulède ; 37, Habert. — Ces trois points sont désignés par Déroulède.
  3. Notez, l’expression : une colonne et non une brigade. L’ordre officiel du cortège mentionne comme suit les troupes placées sous les ordres de Pellieux : « 29e bataillon de chasseurs ; 1 compagnie de fusiliers marins ; une demie-compagnie de la garde républicaine ; 1 peloton de marins et infanterie de marine ; 1 peloton de l’École Polytechnique ; 1 peloton de l’École de Saint-Cyr ; une demie compagnie de la garde républicaine ; 2 bataillons du 4e régiment d’infanterie. »
  4. Gaulois, Libre Parole, etc., du 21 février 1899.