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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


Loubet sa déchéance et « s’installera » à sa place ; une fois maître de l’Élysée et « des services du ministère de l’Intérieur », la France sera à lui[1] ; un bataillon à la Chambre, un autre au Sénat ; un triumvirat provisoire[2] — Déroulède, le général libérateur et le complice civil, peut-être Cavaignac — adressera cette proclamation[3] au pays : « La Constitution usurpatrice de 1875 est abrogée, le suffrage restreint aboli, le suffrage universel rétabli, le Parlement dissous, le Président de la République renversé, le Gouvernement tout entier (un Gouvernement de privilégiés et de corrompus qui exploitait la nation et dégradait la Patrie) jeté à bas avec l’aide du peuple de Paris et de l’armée ; d’ici peu de jours, le peuple sera convoqué dans ses comices » ; et le tour sera joué. Déroulède se gardait de préciser si le peuple serait appelé à élire une Constituante, comme il l’a prétendu par la suite, ou, d’abord, un autre chef de la République. L’équivoque formule lui en laissait le choix. En tout cas, il eût été le maître de l’interrègne, un premier consul civil, pensant, parlant et agissant (comme il faisait déjà) pour ses associés : « Nous sommes les gardiens des urnes et les senti-

  1. Instr. Pasques : « Le Gouvernement, était à nous. »
  2. Ibid., 608, Déroulède : « Prétendre que j’ai tâché de décider les troupes à me suivre à Paris, sans autre but que de les empêcher de rentrer à leur caserne, ou déclarer que je rêvais de m’installer à l’Élysée sans m’être assuré de qui pourrait m’y rejoindre, sont deux chefs d’accusation aussi indignes de vous que de moi. »
  3. Ibid., 31, Déroulède : « J’ai pu brûler ces papiers… C’étaient, entres autres, une proclamation au pays et des lettres adressées à diverses personnalités politiques, les conviant à signer avec moi l’affirmation du maintien de la République, l’abrogation de la Constitution de 1875 et la convocation du peuple pour l’élection d’une Constituante. — Vous vous croyez donc sûr de l’appui de certaines personnalités politiques ? — Certainement, oui. »