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MORT DE FÉLIX FAURE


blier cette madone de la patrie, — il montrait le bronze de Frémiet, — serait faire preuve d’ingratitude nationale… L’élection d’aujourd’hui est un défi… Ce n’est pas à une aristocratie parlementaire, c’est au peuple qu’il appartient de nommer le Président de la République… Nous aurons à délivrer ensemble le suffrage universel. » Et, comme on criait de nouveau « À l’Élysée ! », il s’engagea en cabotinant : « Ne faisons rien ce soir ; il y a à l’Élysée un mort que j’aimais ; jeudi (c’était le jour fixé pour les obsèques de Faure), réunissez-vous et je vous promets que je ferai mon devoir ; nous chasserons le nouvel élu qui n’est pas pour moi le chef de la nation française, nous renverserons la République actuelle, pour la remplacer par une meilleure. Vive la République meilleure ! À bas celle-ci[1] ! » Comme Loubet, après avoir salué à l’Élysée le cercueil de Faure, était retourné au Luxembourg, Marcel Habert proposa d’y aller et de le « conspuer », mais Déroulède le retint. Puis, le soir, au café des Princes, avec Coppée et Forain, et au bureau de la Ligue, pendant que des bandes d’antijuifs et de « patriotes » parcourant les boulevards en réclamant la démission de Loubet[2], il renouvela ses promesses : « Je n’ai plus de voix, mais qu’importe ; ce qu’il faut à présent, ce ne sont plus des discours, mais des actes… Je suis sûr de la population parisienne… (Il ne hâblait pas toujours, vraiment ivre des acclamations qu’il avait recueillies.) La révolution libératrice est proche. Jeudi, vendredi, au plus tard, je marcherai sur l’Élysée, sur le Palais-Bourbon. Devant

  1. Instr. Pasques, 27, et Haute Cour, 20 novembre 1899, Déroulède. — L’Écho donna, dès le lendemain, les principaux passages de cette harangue, moins la fin. Il entrevit tout à coup la possibilité d’un brusque et heureux dénouement. » (Galli, loc. cit., 126).
  2. Haute Cour, I, 65 à 70, dépêches des officiers de paix ; Libre Parole du 19, etc.