Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1904, Tome 4.djvu/56

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
52
HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


étaient éteints et que la tempête révolutionnaire avait emporté le grand œuvre des fils de Saint-Dominique) : et, secouant cette robe blanche qui, avec Lacordaire, avait été une liberté :

Lorsque la persuasion a échoué, que l’amour a été impuissant, il faut brandir le glaive, terroriser, couper les têtes, sévir, frapper… Malheur aux gouvernements qui masquent leur faiblesse criminelle derrière une insuffisante légalité, à ceux qui laissent le glaive s’émousser ! Le pays, livré à toutes les angoisses, les rejettera flétris, pour n’avoir pas su vouloir, même au prix du sang, le défendre et le sauver[1].

Le général avait salué d’avance la parole du moine « comme la confirmation des idées qui lui étaient chères » ; le discours lui avait-il été soumis ? En tout cas, il l’écouta jusqu’au bout et l’applaudit.

Pour toute sanction (sous ce gouvernement des radicaux), Cavaignac rappela que les membres de l’armée ne peuvent présider des distributions de prix, dans les établissements qui ne relèvent pas de l’Université, qu’avec l’autorité du ministre de la Guerre[2].

Brisson laissait faire, dérouté par tous ces événements, par l’extraordinaire roman feuilleton qu’était devenue la politique, n’y voyant plus clair, toujours convaincu que Dreyfus avait été condamné à bon droit et que Picquart avait été mêlé à de louches intrigues, et, d’autre part, épouvanté par cette nouvelle explosion des fureurs monacales et césariennes, et troublé, plus qu’il ne se

  1. Compte rendu du Temps et des journaux du lendemain.
  2. Circulaires du 8 septembre 1876 et du 22 juillet 1881. Cavaignac, dans sa circulaire du 23 juillet 1898, en rappelait le texte et invitait les officiers à s’y conformer.