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LE DESSAISISSEMENT


Paul Meyer, Auguste Molinier et Giry[1], — et qu’elle n’attendait plus que le retour de quelques commissions rogatoires[2] pour prononcer son ordonnance de clôture[3].

Le même jour, après deux séances, la Commission, qui avait pris connaissance de l’enquête supplémentaire, décida, à l’unanimité, d’en publier le dossier ; à l’unanimité encore, que les allégations de Quesnay et des autres délateurs ne justifiaient en rien le projet du Gouvernement, parce qu’elles étaient inexactes ou sans valeur ; et, par neuf voix contre deux, de proposer à la Chambre le rejet du projet.

Renault-Morlière accepta de rédiger le rapport. C’était un républicain très ferme, qui n’avait joué encore qu’un rôle effacé malgré un solide talent oratoire, très versé dans les questions de droit et qui professait le culte de la liberté. Il l’aimait, ainsi que si peu d’hommes savent l’aimer, pour elle-même, ne l’invoqua pas seulement, au cours d’une longue carrière, quand ses amis et ses idées politiques étaient en cause. Il était le frère d’un général : raison de plus pour ne pas éclabousser l’armée d’une nouvelle iniquité. Il s’affligea seulement du spectacle de cette majorité républicaine désemparée, tyrannisée par la peur, qui, dans les couloirs, criait que la loi de dessaisissement était une vilenie, et qui, « déjà, était toute prête » à s’y associer en

  1. Cass., I, 646 à 653 ; II, 314.
  2. Notamment celle qui avait été envoyée à Cayenne. — Un aventurier suisse, Charles Hégler, prétendait avoir ramassé à Évian les fragments, déchirés par moi, d’une lettre très grave, signée Bluet, où il était question du Syndicat, de Du Paty et du bâtonnier Ployer ; c’était un faux inepte ; je serais allé ensuite à Bâle pour y contracter, avec des banquiers prussiens, un emprunt de 10 millions. Une commission rogatoire fut envoyée au Juge d’instruction de Belley. (Cass., I, 752.)
  3. L’ordonnance fut rendue le 9 février 1899.