Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1904, Tome 4.djvu/54

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
50
HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


opposé. Le véritable trésor de guerre, c’était celui des Assomptionnistes et des comités catholiques.

Mais Cavaignac avait accepté du premier jour l’invention des jésuites : le complot des juifs et des cosmopolites contre l’armée, et plus que jamais il y crut, d’une rage plus mauvaise, à chaque sottise nouvelle qu’il commettait, contre ce fantôme imaginaire, hanté bientôt par le projet d’une épuration en masse, « Le Syndicat, dit-il à Du Paty, se brisera contre moi, Cavaignac, comme contre ce mur[1]. » Il ne s’indigna nullement quand un sénateur radical, Baduel, conseilla d’arrêter Trarieux, et se confirmait dans son idée par la lecture des journaux nationalistes qui l’invitaient à « coffrer » tous les meneurs ; sinon, les assommeurs patriotes « abattront eux-mêmes les insulteurs de l’armée sur le pavé[2] ».

Alors que tant d’échecs successifs auraient dû le dégriser, il s’enivrait, lui qui avait été des plus ardents contre Boulanger[3], de l’encens des césariens, et souriait à la nouvelle « Boulange » que les journaux revisionnistes appelaient, d’un mot qui n’était pas moins bas, « la Cavagne ».

Au bout de huit jours, le jour était loin où il faisait appel aux intellectuels ; il les tenait, maintenant, pour des rebelles, puisqu’ils avaient refusé de se laisser convaincre par ses arguments. « La Turquie avait eu jadis une émeute de Softas » ; la France subissait « une insurrection de Lamdamine[4] ». Et l’on ne réduit les émeutes, même de lettrés, que par la force.

  1. Instr. Tavernier, 13 juillet 1899, Du Paty.
  2. Libre Parole du 11, Journal et Soir du 15, etc.
  3. Je lui ai dédié, en 1899, l’un des volumes de mes Petites Catilinaires : le Cheval noir.
  4. C’est ainsi qu’on appelle les lettrés en Israël. » (Libre Parole du 13 juillet 1898.)