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LE DESSAISISSEMENT

Cette nouvelle enquête, aussi nécessaire dans la misère des temps que cruelle, dura deux jours[1]. Ces grands magistrats furent réduits à expliquer qu’ils n’avaient pas interrompu les témoins par des exclamations injurieuses et qu’ils n’étaient pas en rapports avec les Dreyfus, — Lœw, qu’il était séparé de son frère depuis l’annexion de l’Alsace à l’Allemagne et qu’il était complètement étranger aux affaires de son fils. C’était si honteux que Sevestre lui-même s’en dégagea, démentit que Lœw « se fût répandu en propos malsonnants » contre les anciens ministres de la Guerre. Pour Roullier, il s’abrita derrière le secret de l’instruction[2].

Les journaux nationalistes interprétèrent cette troisième enquête, avant que le résultat en fût connu, comme la preuve que l’affaire était plus grave encore qu’on ne l’avait dit et « qu’elle révélait des faits accablants ». Ils n’avaient souffleté Dupuy de leurs applaudissements que l’espace d’un matin : « Les coquins de la Cour de cassation ont accumulé tant de saletés et d’infamies que Lebret lui-même, qui a pourtant l’estomac solide, a été pris de dégoût. » (Drumont.) « Le cabinet a reconnu publiquement l’indignité des filles de brasserie de la Cour de cassation[3]. » (Rochefort.) Ils formulèrent en consé-

  1. 4 et 5 février 1899.
  2. Enq. Mazeau, 76, Lœw ; 90, Bard ; 91, Dupré ; 93, Roullier ; 94, Sevestre ; 95, Dumas ; 96, Atthalin. — Autre affaire : le grand rabbin avait questionné un officier juif du nom de Cahn, ancien camarade d’Esterhazy, au sujet des manœuvres de Vaujours ; l’officier refusa de répondre, dénonça la démarche du rabbin à son colonel et, de plus, laissa ou fit publier l’incident par Barrès (Journal du 16 janvier). Dupuy adressa un blâme public au rabbin. Nécessairement, selon Quesnay, c’était Lœw qui avait ourdi cette intrigue.
  3. Libre Parole et Intransigeant du 29 janvier 1899. — La Ligue de la Patrie française communiqua à la presse une déclaration signée de Coppée et de Lemaître : « Le Comité tient