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LE DESSAISISSEMENT


Lœw, qui n’avait d’autre rapport avec Leblois que des échanges annuels de cartes de visite ; Dumas, qui ne connaissait aucun parent ni ami de Dreyfus ; Bard, qui, si longtemps, avait cru Dreyfus coupable ou complice ; il en avait causé avec ses collègues, « comme il était permis entre gens d’une même compagnie où la délation était encore inconnue ». Pour le règlement de juges, il n’y avait de retard que du Gouvernement. Atthalin avait déposé son rapport le 10 janvier ; dès le 11, Lœw l’avait passé à Manau et avait fixé l’audience au 26. C’était Blanc, le préfet de police, qui l’avait alors prié, au nom de Dupuy, de choisir une date plus éloignée, afin que cette affaire de Picquart ne fût pas appelée le même jour que mon procès avec Mme Henry. Bien plus, Lœw avait offert à Mazeau de présider cette affaire connexe, comme la principale ; mais Mazeau, « le réservant à tous les coups », s’y était refusé[1].

On entendit alors les témoins.

Ménard, l’un des souffleurs de Quesnay, savait des gens de service que « Bard s’était promené ostensiblement avec le défenseur de Dreyfus ». Par contre, il ignorait, et les gardes républicains démentirent, que la fille Pays, après avoir refusé de charger Esterhazy, eût demandé à manger un morceau ; sur quoi Dumas se serait écrié : « Qu’elle crève[2] ! »

Sallantin fut très loyal ; il convint que Lœw était maître absolu du choix du rapporteur. Sevestre blâma le choix de Bard, s’étonna que Bard et Manau eussent rédigé si vite leur rapport et leur réquisitoire. « À la

  1. Enq. Mazeau, 55, 57, 62, 66, Lœw, Bard, Dumas, par lettre à Mazeau. — La déclaration de Bard fut confirmée par le président de l’ordre des avocats à la Cour de cassation. (18.)
  2. Ibid., 18, 20, Ménard ; 21, Parisot, Samacoit. Marcelet.