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LE DESSAISISSEMENT


les Machiavel qui tirèrent les ficelles du pantin ne pensaient pas eux-mêmes que les choses iraient si vite.

Chez Mazeau et chez Lebret, il y eût plus de pleutrerie que de ruse. Mais Dupuy, qui n’était pas couard, répétait depuis longtemps aux impatients : « Laissez-moi user la Chambre criminelle ! » Et, derrière Dupuy, Faure, qui, du premier jour, fit du dessaisissement sa chose, son gage personnel aux ennemis de la Revision.


VII

La Ligue de la Patrie française fut fondée pour appuyer l’opération, enrayer le mouvement, assez rapide, depuis quelque temps, de l’idée revisionniste dans la bourgeoisie.

L’adhésion des grands journaux libéraux (Temps, Débats) ; la campagne plus vive de Cornély, avec ses appels quotidiens, mêlés d’émotion et d’ironie, aux conservateurs et aux catholiques ; les articles d’Harduin, d’un bon sens solide, qui faisait avaler la Revision à petites doses ; l’intervention répétée de Gaston Pâris, de Lavisse, qui, pour avoir toute sa liberté, renonça à sa chaire de Saint-Cyr ; cette noble parole d’Alfred Croiset, en pleine Sorbonne : « La patrie a besoin de connaître la vérité ; l’homme qui dit la vérité à son pays est le plus pieux de ses fils…[1] » ; les propos, qu’on répétait, du président du Sénat, Loubet, et de tant d’autres, considérables par les services rendus et par

  1. Le 3 novembre, à l’ouverture du cours de la Faculté des lettres.