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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


cher un médecin aliéniste. Mazeau et Lebret ne pensèrent au contraire qu’à le désarmer. Le premier Président lui répondit qu’il envoyait « immédiatement sa lettre de protestation au ministre[1] », et Lebret, bien que l’envie ne lui manquât pas d’accorder tout de suite la nouvelle enquête, pensa s’en tirer en donnant à l’incommode personnage une demi-satisfaction. Il écrivit, mais seulement le lendemain soir, à Mazeau : « Conformément au désir exprimé par M. Quesnay de Beaurepaire, sa lettre a été annexée à la déposition faite par ce magistrat dans l’enquête à laquelle vous avez procédé[2]. » Il se produisit alors un de ces petits incidents qui rendent vaines les plus savantes lâchetés. Mazeau, soit paresse, soit qu’il trouvât lui-même que c’était trop d’humilité, s’abstint de transmettre aussitôt la réponse ministérielle, la remettant au surlendemain (lundi), à l’audience[3]. Mais Quesnay s’était juré de n’attendre la réponse de Lebret que pendant quarante-huit heures[4]. Il avoue lui-même que sa situation, à la Cour, n’aurait plus été tolérable ; il y eût été « le président calomniateur de ses collègues ». Par contre, s’il s’en va, il devient le chef du parti « patriote », pendant la bataille, et la victoire le fera chancelier de France. Il adressa sa démission à Lebret, sans la motiver[5], et, tout de suite, avisa la presse.

  1. 6 janvier 1899.
  2. 7 janvier. — Le 19, au Sénat, Lebret dit « qu’il fit savoir au premier Président que satisfaction était donnée au désir de M. Quesnay de Beaurepaire ».
  3. C’est ce que Mazeau écrivit, en effet, le surlendemain, 9, à Quesnay.
  4. Quesnay, loc. cit., 256. — Lebret : « M. de Beaurepaire, n’ayant pas reçu, dès le dimanche matin, la communication, se jugea sans doute offensé et estima qu’on n’avait pas apporté une hâte suffisante à lui répondre. »
  5. 8 janvier 1899 : « J’ai l’honneur de vous adresser ma démission de président de Chambre à la Cour de cassation. »