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LE DESSAISISSEMENT


dès qu’il connut la lettre de Quesnay, courut chez eux, ils s’expliquèrent vivement sur son compte. Mais Massabuau, qui ne quittait plus Quesnay, somma Lebret d’ordonner une enquête, et l’invraisemblable ministre y consentit aussitôt, en chargea Mazeau et réclama de Zurlinden les rapports quotidiens du capitaine Herqué[1].

Quelle que fût leur humiliation à se justifier de telles sottises, Lœw et Bard y répondirent point par point, mais non sans marquer à Mazeau leur mépris du délateur et leur tristesse (4 janvier). Rien d’aussi bas n’était encore entré dans cette tragique histoire. Lœw ne se défendit pas d’avoir été courtois envers tous les témoins et de n’avoir pas interdit à Picquart de toucher aux rafraîchissements qui avaient été à la disposition de Billot et de Roget. Bard convint d’avoir causé un jour avec Mornard qui lui présenta Labori, « au vestiaire, pendant cinq minutes, sous l’œil des garçons de service » ; s’il ne se souvenait pas d’avoir commandé un grog chaud, ce dont il ne s’excuserait pas, il était certain de n’avoir reçu aucune réponse malséante ; et il n’avait jamais dit : « Mon cher Picquart » ou « Mon cher ami », à un homme qu’il ne connaissait pas. Ce qui fut confirmé par Herqué lui-même : « Comme il faisait une journée très sombre, le conseiller avait paru ne point distinguer », entre le prisonnier et le gardien, « celui qui était le colonel ». Par contre, Herqué attesta le propos de Picquart, « dans un brusque élan de reconnaissance pour le grog » : « Je suis le principal témoin de Bard… » Ménard confirma Quesnay[2].

  1. Quesnay, loc. cit., 252 ; Chambre des députés, séance du 12 janvier 1899, Lebret.
  2. Enq. Mazeau, 69 et 83, Bard (29 décembre 1898 et 3 janvier 1899) ; la lettre de Lœw et la déclaration d’Herqué furent lues à la Chambre par Lebret (séance du 12 janvier).