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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


les radicaux firent cause commune avec eux pour chercher à le déshonorer, que Bourgeois joignit son vote au leur, et que Méline et Milliard laissèrent faire, il fut sans philosophie, bien qu’il eût pour se consoler sa conscience et de précieuses amitiés. Il obtint, non sans peine (il y fallut l’intervention de Waldeck-Rousseau), d’être traduit devant le conseil supérieur de la magistrature (les chambres réunies de la Cour de cassation) et demanda à présenter lui-même sa défense. Le conseil (présidé par Lœw en l’absence de Mazeau) décida de ne pas l’entendre, mais convint que la question juridique était sujette à controverse et le disculpa de toute faute contre l’honneur. Déjà, une commission de jurisconsultes, désignés par le garde des Sceaux, l’avait innocenté. Après le vote unanime de la Chambre contre lui et l’affichage du discours de Viviani, il eût voulu que ces sentences favorables fussent publiées dans le Moniteur des Communes qui est placardé à la porte de toutes les mairies[1]. Méline s’y refusa. « Il tomba malade ; on l’emmena à la campagne[2]. »

Il en revint en novembre, toutes ses blessures mal cicatrisées, très aigri contre les républicains, qui l’avaient vilipendé ou sacrifié, quand il avait tant aidé à les sauver, — et il s’était persuadé qu’il avait tout fait, à lui seul, — et trouvant amer que cette retentissante affaire Dreyfus continuât à se dérouler sans qu’il y fût question de lui, du grand magistrat de la république. Il y a un an, au lendemain de l’acquittement d’Esterhazy, il avait cependant donné à « un

  1. Il voulut ensuite être autorisé à publier la sentence des jurisconsultes. Manau et Bétolaud y consentirent ; le président Mazeau, Laferrière et Boulanger s’y opposèrent. (Loc. cit., 248 et suiv., avec la lettre, en fac-similé de Mazeau.)
  2. Quesnay, loc. cit., 251.