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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


quelques feuillets de la troisième partie du cours de 1894, il paraît vraisemblable que ces feuillets ont été copiés pour compléter les envois précédemment faits[1] ». — Or, ici encore, l’inepte déduction repose sur un mensonge, parce qu’il ne manquait aucun feuillet du cahier que Du Paty, Gribelin et Cochefert, quand ils perquisitionnèrent chez Dreyfus, avaient fait mettre sous scellés. Mais cette vérification, elle aussi, ne fut faite que quatre ans plus tard[2].

On croit plonger dans un cerveau d’aliéné ; cependant, il y a mieux.

Le 18 novembre 1894, Dreyfus étant au Cherche-Midi, le colonel Collard, du deuxième bureau, a refusé de répondre à une demande d’un ami de Schwarzkoppen. L’ami écrit : « C’est une manifestation de ce vieux levain de haine qui existe toujours ; ou bien Dreyfus joue-t-il un rôle dans cette affaire ? » Cuignet commente : « On s’est demandé si, dans le cas où Dreyfus serait innocent, l’ami ne profiterait pas de notre erreur pour nous tourner en ridicule ; on a cru y voir un aveu de culpabilité par prétérition d’innocence. »

Enfin, comme la Cour ne connaissait pas encore la dépêche de Panizzardi, du 2 novembre 1894, il ne se contenta pas d’affirmer l’exactitude de la traduction frauduleuse qui en avait été faite par Gonse, Henry et Du Paty et qu’il produisit ; mais il incrimina formellement « la bonne foi » du ministère des Affaires étrangères, dans cet épisode. Un conseiller (Dumas) s’en étant étonné, il insista, « du ton le plus vif », protestant qu’il était impossible « qu’avec le même chiffre on pût obtenir d’une même dépêche deux textes contradic-

  1. Cass., I, 360 et 364, Cuignet.
  2. Enquête de 1903. Voir t. V, 252-254.