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LE DESSAISISSEMENT


rien publier du dossier secret sans l’assentiment du ministre de la Guerre, l’engagement d’honneur pour la défense de n’entretenir son client d’aucune pièce sans y être autorisée par la Cour, d’accord avec le ministre[1]. Par contre, Mornard obtint « qu’il fût spécifié, dans un procès-verbal, que le Gouvernement communiquait à la Cour tous les documents qui avaient été recueillis comme charges contre Dreyfus, tous les dossiers secrets ou ultra-secrets ayant trait de près ou de loin à l’affaire[2] ».

Plusieurs conseillers avaient trouvé tant de défiance outrageante ; finalement, ils sacrifièrent leur dignité à la justice.

Freycinet désigna Cuignet pour présenter le dossier à la Cour et fit annoncer que la communication aurait lieu dans des conditions qui offraient « toutes garanties à la sécurité de l’État et à la défense de l’accusé » ; d’ailleurs, Cuignet remportera chaque soir le dossier au ministère[3].

Le nom seul de Cuignet valait un de ces discours où Freycinet balançait dans une harmonieuse équivoque les contradictoires. Pour le public, c’était l’officier qui avait trouvé le faux, et, pour l’ancien État-Major, l’homme qui réhabiliterait le faussaire.

Le même jour (27 décembre), Freycinet avait porté au Conseil un long rapport, appuyé d’un « volumineux dossier », que Cuignet lui avait adressé sur la « véridique histoire » de Du Paty et d’Henry, et qu’il avait annoté lui-même « au crayon noir ». Les ministres, dont aucun n’avait pris la peine d’étudier l’affaire, décidèrent aussitôt « que des poursuites seraient intentées contre Du Paty, après la clôture de l’instruction de la

  1. Cass., I, 348, lettres de Freycinet et du président Lœw.
  2. Lettre de Mornard, du 25 décembre 1898.
  3. Agence Havas du 27 décembre.