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LE DESSAISISSEMENT


cune place dans l’affaire », et démentit encore une fois les propos que lui avait prêtés Picquart. Il tenait le petit bleu pour suspect et pensait qu’Henry avait fait son faux « dans un but patriotique »[1]. — Freycinet l’avait laissé au rancart, où il l’avait trouvé[2], et Gonse, « à la demi-solde », comme il disait, banni à la fois de l’officine, où il avait commis tant de vilenies, et de l’État-Major, dont il avait été, pendant les absences fréquentes de Boisdeffre, le véritable chef, se considérait comme l’une des grandes victimes de l’Affaire. — Cordier dit que Sandherr avait eu à se plaindre d’Henry[3].

Toutes ces dépositions furent faites devant les seuls conseillers ; ni le procureur général ni l’avocat de Lucie Dreyfus n’y assistèrent ; même la communication des procès-verbaux fut d’abord refusée à Mornard[4]. On s’aperçut bientôt que ces précautions étaient inutiles. Sevestre, le greffier Ménard, avaient des amis à la Libre Parole, leur racontaient tout. D’autre part, le principe que l’instruction est secrète ne s’applique pas formellement aux affaires en revision. La Cour décida, en conséquence, d’autoriser la défense à prendre connaissance des témoignages ; quelques jours après, Freycinet demanda et obtint que le compte rendu des audiences lui fût adressé en copie, par l’intermédiaire de Chamoin et de Cuignet[5]. Dès lors, Cuignet communiqua régulièrement les procès-verbaux à Roget et aux camarades, Mornard à Demange, à Labori et à Mathieu Dreyfus.

  1. Cass, I, 238, Gonse.
  2. Il resta en disponibilité jusqu’à ce qu’il eût atteint l’âge de la retraite (19 septembre 1903).
  3. Cass., I, 306, Cordier.
  4. 9 et 17 novembre 1898. (Cass., I, 13, 53.) Même refus à Cavaignac, qui voulait prendre copie de sa déposition (I, 67). Mornard avait demandé à assister aux actes d’instruction. (5 novembre.)
  5. 13 et 20 décembre.