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LE DESSAISISSEMENT


venir, en personne, devant la Cour » et posait seulement deux conditions : la première, qu’un sauf-conduit lui fût accordé (car Bertulus avait été chargé d’instruire sur la plainte en escroquerie, et, certainement, lui aurait mis la main au collet) ; la seconde, « qu’on lui fit connaître, à lui ou à son avocat, les points sur lesquels il aurait à s’expliquer »[1]. Il eût négocié ses réponses avec Boisdeffre et Mercier, et, aussi, avec Freycinet. (Tézenas, enfin dégoûté, avait passé le dossier à un ancien procureur de la République « qui avait eu des mésaventures. Clément Cabanes, fort sot, solennel et sans scrupules.) La Cour lui envoya simplement une citation à témoin. Il avait quillé Londres pour Rotterdam[2], où il se cachait sous un faux nom dans une hôtellerie du dernier ordre, très dépenaillé pour le quart d’heure, d’autant plus inquiétant, le teint jaune et terreux, les yeux cerclés, aux regards apeurés et mauvais[3]. Il y reçut la visite d’un ancien député, Georges Laguerre, lui conta qu’il avait été aussi boulangiste que lui, discourut sur Napoléon, qui était le héros favori de son interlocuteur, se plaignit de ne pas toujours manger à sa faim, et, finalement, déclara de nouveau qu’il était terriblement armé (« une marmite à renversement », selon le mot de Picquart), et que Laguerre ferait bien d’en avertir Dupuy[4].

  1. Cass., I, 605, Esterhazy.
  2. 20 décembre 1898. (Agence Havas.)
  3. Journal d’Utrecht du 2 janvier 1899.
  4. Laguerre, mis en cause un peu plus tard, affirma qu’il n’avait été chargé d’aucune n’avait été chargé d’aucune mission et qu’il n’avait pas vu Dupuy à son retour de Hollande. (Temps, du 12 mai 1899.) Il ne dit pas s’il eût ou non des entrevues avec Freycinet. D’une lettre d’Esterhazy du 22 février, il résulte que Laguerre lui envoya de l’argent : « Je reçois votre lettre et son contenu ; je suis touché jusqu’aux larmes. » — Esterhazy essaya, au moyen de quelques-uns de ces intermédiaires louches qui grouillent autour des grandes