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LE DESSAISISSEMENT

Lœw observa qu’il pesait ses mots avec grand soin. Il n’ignorait rien des supplices qu’avait subis Dreyfus et ne se souciait pas de ceux que Dante réserve aux « tièdes », qui ne se prononcent pas dans les grands conflits.

Poincaré déposa qu’au moment du procès de Zola, Dupuy avait interrogé Mercier au sujet de la communication secrète et répéta que le Gouvernement, en 1894, n’avait connu que le bordereau. Il raconta encore que Billot avait cru à la culpabilité d’Esterhazy, et Barthou que l’ancien ministre de la Guerre, tourmenté de doutes sur Dreyfus, « n’en avait pas dormi ». Barthou indiqua le dossier sur Du Paty à la préfecture de police. Sur le dossier diplomatique, qui avait été signalé par Develle, Hanotaux fut réservé ; dès qu’il s’agissait de Dreyfus, il manquait de mémoire. Il insinua que les ambassadeurs se laissaient berner par les militaires[1].

Casimir-Perier n’avait point pardonné à ses ministres de l’avoir tenu, « pendant qu’il occupait la présidence de la République, dans l’ignorance de ce qui touchait à la marche des affaires ». Il le dit, parce que c’était la vérité et pour expliquer le peu qu’il savait par lui-même. Ainsi, il n’affirma pas que les poursuites contre Dreyfus eussent été engagées à son insu, mais il le croyait ; il avait connu seulement le bordereau et la pièce « Canaille de D… », « mise, lui avait dit Mercier, sous les yeux du conseil de guerre » ; il n’avait eu communication ni des autres pièces secrètes ni de la prétendue lettre de l’Empereur d’Allemagne ; enfin, il n’était intervenu de sa personne qu’à l’occasion de la dépêche du prince de Hohenlohe. Il raconta l’incident, le service qu’il avait

  1. Cass., I, 293, Poincaré ; 337, Barthou ; 335, Develle ; 641, Hanotaux.