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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


coup moins nombreux, fort mêlés d’ailleurs : Boysset, ancien proscrit de Décembre, entre Déroulède et Magne ; l’ingénieur Yribe, qui avait, sous la Commune, démoli la colonne Vendôme, et le poète Coppée ; quelques fanatiques sincères comme le vieux Keller ; d’autres, apparemment, pour que Drumont ne signalât pas leur absence à l’appel, Barrès, Ramel, Montfort, deux secrétaires d’ambassade[1], et, nécessairement, les deux juifs antisémites, Pollonnais et Arthur Meyer.

Des collégiens souscrivirent aussi, des ateliers de lingères et de modistes.

Le chiffre de la plupart des versements était fort modeste, beaucoup de deux et quatre sous, ce qui permit de croire que des donateurs plus importants fractionnèrent leur offrande pour le plaisir de multiplier les appels au massacre collectif des juifs, des protestants et des francs-maçons[2], et au meurtre individuel. Des lettrés de brasserie ou de salon se divertirent apparemment à ce jeu, à côté des milliers de truands, de malandrins et de forcenés authentiques qui donnèrent à leur hommage à Henry la forme appropriée de la menace et de l’outrage. Les panégyriques du « martyr », du vaillant colonel », « nouveau Brutus » et « nouveau d’Assas », héros « mort au champ d’honneur » et « pour la patrie », alternaient avec les fantaisies scatologiques et d’ineptes injures : « cloportes, crotales, vermine, poux, punaises, gorilles. » On a fait le relevé de ces excitations à la haine et à l’assassinat : 36 à l’adresse de

  1. Léon Béclard et Bailly. — Quelques ingénieurs : d’Ocagne, Bellem, quelques avocats : Auffray, César Caire ; des médecins.
  2. « La Saint-Barthélémy pour les juifs… pour tous les youpins !… Un socialiste qui souhaite une Saint-Barthélémy juive… Mort aux juifs ! À nous, Jeanne d’Arc !… Sus aux juifs !… À la potence !… À l’eau les juifs !… etc. »