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LA SOUSCRIPTION HENRY


trouvé avec Gambetta contre l’extrême gauche et les partisans de la paix à tout prix, avec Ferry contre les ennemis de la politique coloniale, l’un des derniers auprès du vieux Grévy, l’un des premiers contre Boulanger ; puis, à la Chambre, l’adversaire de la liberté illimitée de la presse et, avec Spuller et Casimir-Perier, le défenseur d’une République ouverte aux bonnes volontés et tolérante ; de plus, d’un tempérament agressif, avec le goût de la lutte, trop sûr, souvent, d’avoir raison, libre penseur et juif, et, comme la plupart des juifs d’Occident, dont les pères, pendant tant de siècles, errèrent sous les proscriptions, Français d’hier. Mon rôle dans l’affaire Dreyfus m’avait ramené des sympathies précieuses, mais avait exaspéré les haines. J’ai écrit, un jour, à Camille Pelletan : « N’est pas impopulaire qui veut[1]. » Il y a des jours où, l’ayant voulu, on le regrette.

Pour que j’eusse, en combattant, tout le soleil dans les yeux, on m’opposa une femme.

Le 7 décembre, la veuve d’Henry, qu’on avait fait venir de Pogny, où elle s’était retirée, m’écrivit pour protester contre « d’infâmes calomnies » et m’imputer, assez singulièrement, une note qui avait paru le matin même dans le Radical : « Vous prétendez, sans l’ombre de preuves, que mon mari, n’ayant que 8.500 francs de solde, en dépensait beaucoup[2]. » Je dis simplement que ce fait précis avait été allégué par un autre : « Je m’incline devant la douleur profondément respectable de Mme Henry, mais sa lettre s’est trompée d’adresse[3]. » Elle répliqua, transcrivant cette fois une phrase que j’avais en effet écrite, sur un renseignement

  1. 31 janvier 1901. (Les Blés d’hiver, 298.)
  2. Lettre du 7 décembre 1898.
  3. Siècle du 8.