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LA SOUSCRIPTION HENRY

Ainsi, il n’invoquait, à l’appui de son imposture, que des morts, Sandherr et Henry[1], sachant bien que tous les vivants le démentiraient. Comment croire que Sandherr eût pris sur lui d’employer un officier à une telle besogne, sans l’assentiment de ses chefs et de connivence seulement avec Henry[2] ? Esterhazy, à son ordinaire, brouilla tout, les renseignements sur l’artillerie, authentiques pour la plupart, qu’il avait portés à Schwarzkoppen, le dessin (qu’il avait fait copier, en effet, par le soldat Écalle) d’un fusil nouveau[3], et jusqu’aux fausses circulaires de mobilisation qu’Henry, un jour, avait proposé à Picquart de faire tenir par des voies mystérieuses à l’attaché allemand[4]. Si Picquart eût accepté, il était dans l’engrenage.

Au surplus, « le bordereau n’est pas arrivé au service des Renseignements, déchiré en morceaux, comme on l’a prétendu, par le cornet. Il y est venu par une tout autre voie ». Esterhazy ne précisait pas encore laquelle, se bornant à dire que à le bordereau n’avait pas été pris dans une ambassade », ce qui n’était qu’une sottise, et que Schwarzkoppen avait démenti, avec raison, la légende du panier à papiers. Seulement, les amis de Picquart avaient fait le silence sur ce démenti, qui les gênait à cause du petit bleu[5].

Tant d’arguments, les uns exacts, les autres qui en

  1. Dessous, 161 : « Les dreyfusards disent aujourd’hui : « Sandherr est mort, Henry est mort, personne ne parlera plus. »
  2. Voir t. II, 566.
  3. Cass., I, 794, Écalle.
  4. Voir t. II, 231. — « C’étaient de fausses circulaires que je donnais comme très secrètes, mais qui n’en étaient pas moins revêtues de tous les signes d’authenticité capables d’éveiller la méfiance du dernier des facteurs ruraux. » (Dessous, 159.)
  5. Ibid., 136, 138.