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LA SOUSCRIPTION HENRY


acclamé le soldat qui aurait fait taire ces braillards.

C’est ce que Déroulède et le duc d’Orléans sentaient très bien, toujours à la recherche du général qui ferait le coup[1]. Toutefois, ils avaient beau frapper aux portes des casernes, ils n’y trouvaient encore que des parleurs, comme Pellieux et Roget, de loyauté vacillante, fanfarons et brouillons, mais qui ne se décidaient pas, tenus, d’ailleurs, en respect par Zurlinden, fidèle et scrupuleux dès qu’il ne s’agissait plus de L’Affaire. On n’avait pas encore découvert le chiffre du duc et de ses correspondants (Buffet, Lur-Saluces, Chevilly), qui le renseignaient au jour le jour[2] ; en décembre, il était à Londres.

Le plus actif, à cette époque, fut Guérin, du moins en apparence, car il se peut qu’il se soit surtout amusé du prétendant[3], qui le payait exactement et qu’il payait de l’éternelle promesse d’une émeute provoquée, d’où sortirait le Monck inconnu. En tous cas, il remuait beaucoup, fort encouragé dans son impunité, acquitté par les juges correctionnels pour ses voies de fait du 25 octobre, et compris, avec les assommeurs d’Alger, dans l’amnistie que la Chambre avait votée pour tous les crimes et délits politiques, sauf pour les outrages à

  1. Haute Cour, I, 170, projet de lettre au général Metzinger ; Buffet, à l’audience du 10 novembre 1899, tout en convenant de cette lettre, se défend « d’avoir cherché des points d’appui dans l’armée ». Au contraire, Lur-Saluces, dans une lettre d’octobre 1898 à Cordier (II. 110), dit franchement : « Le bloc important à entamer, c’est l’armée, ou plutôt ses grands chefs, car elle est très montée ; mais, en haut, on est timide. »
  2. Buffet, pour savoir si son chiffre était découvert, envoya cette dépêche, qu’il qualifie de « farce » et qui ne fut lue que plus tard : « Comte de Sabran, Alesuth (Hongrie) : Monseigneur bien arrivé Lyon : rassurez Madame. Signé : Buffet. » (Haute Cour, I, 102 ; audience du 16 novembre 1899.)
  3. C’est l’accusation que portent contre lui Spiard (Coulisses, 68, 69, etc.) et Méry (Libre Parole du 21 mai 1902, etc.).