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LA SOUSCRIPTION HENRY


volume qui n’était qu’un recueil d’anciens articles[1]. Monod, Gaston Pâris, les bons esprits que comptait la presse, se lamentaient que tant de défenseurs d’une juste cause, ayant la raison pour eux, se complussent à l’injure. Mais moins que jamais on les écouta. Avec la manie française de généraliser, tous les juifs étaient des traîtres pour Drumont et, pour Gohier, tous les officiers[2]. Depuis longtemps, Gérault-Richard, Turot, Ajalbert appelaient couramment les généraux « assassins » et « coupe-jarrets »[3]. Puis, cette éternelle accusation, réciproque, de trahir et de se vendre, devient fade. Il faut autre chose à ces millions de gosiers abreuvés de vitriol. Et c’est la fureur assaisonnée de pourriture, les goujats de l’armée cléricale, qui n’appellent Picquart que « Georgette »[4], le frénétique auteur de l’Armée contre la Nation, qui invente les « députés de Lesbos »[5], Mais ces rois de l’invective sont eux-mêmes talonnés par de plus enragés, Guérin, avec son Anti-Juif, dépasse Drumont et les

    réclama l’arrestation « des banquiers juifs et allemands » qui avaient organisé la campagne pour Dreyfus.

  1. L’Armée contre la Nation. Voici quelques-uns des passages poursuivis : « L’armée est seulement l’école de tous les vices crapuleux. » (16.) « La caserne pourrit la France d’alcoolisme et de syphilis. » (17.) « Ils (les généraux) se solidarisèrent jadis avec Bazaine, comme ils se sont solidarisés depuis avec le Uhlan. » (119.) — Le Conseil municipal de Paris, par 44 voix contre 23, vota l’achat de 200 exemplaires de ce volume.
  2. « Les officiers, dans leurs mess, réclamèrent du Champagne en apprenant que Chanoine venait de montrer une fois de plus comment ils trahissent. » Dans le morne article, du 1er  novembre 1898, Gohier appelle Cavaignac « l’héritier de deux générations d’assassins » et dit de Dupuy « qu’il est mal lavé du meurtre de Carnot ».
  3. Petite République du 23 septembre. Droits de l’homme du 20, etc.
  4. Dans cinquante articles de la Libre Parole, de la Croix, etc.
  5. Aurore du 8 novembre.