Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1904, Tome 4.djvu/426

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
422
HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


était surtout la servante de l’esprit de parti, ou la grande rabatteuse d’écus. L’Église a pour règle de se dire opprimée, quelque puissante qu’elle soit, et, quelle que soit sa richesse, de pleurer sur sa pauvreté. Cette fois, ses intérêts et ses privilèges allaient être sérieusement menacés.

Dans ces périls, tous les moyens et tous les alliés sont bons contre les « proscripteurs » et les « spoliateurs ». Depuis longtemps, le collectivisme servait aux cléricaux à effrayer la bourgeoisie. Humbert, tout à fait leur homme, dénonça les radicaux aux socialistes : « La guerre à l’Église, admirable dérivatif à la guerre au capitalisme[1]. » Surtout, ils redoublèrent d’efforts contre la Revision, nullement décontenancés par leurs derniers insuccès, d’une ténacité qui eût honoré toute autre cause et s’ils eussent fait usage d’autres armes.

Dans ces derniers mois de 1898, on eût trois preuves nouvelles : une « liasse de papiers » que le docteur Ranson avait pris, à l’île de Ré, « dans la doublure du vêtement de Dreyfus »[2] ; des lettres de la comtesse de Munster (on insinuait qu’elle avait été la maîtresse du juif et de Schwarzkoppen) qui ne laissaient aucun doute sur la trahison[3] ; — il fallut que Delcassé allât porter à l’ambassade ses regrets pour de telles vilenies[4] ; — une dépêche de Panizzardi, de 1894, qui rassurait son État-Major et l’avisait que « toutes ses précautions étaient prises »[5] ; — renseigné par un fonc-

  1. Éclair du 26 novembre 1898.
  2. Gaulois du 24 septembre.
  3. Éclair et Intransigeant des 7 et 8 novembre.
  4. 11 novembre, Agence Havas : « Ayant eu connaissance des articles où l’on fait intervenir la comtesse de Munster, le ministre des Affaires étrangères a dû apporter l’expression de son indignation contre des procédés qu’on ne saurait trop flétrir. »
  5. Gaulois et Intransigeant des 9 et 10 novembre. — Panizzardi avait quitté Paris ; il avait été nommé colonel du 5e régi-