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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


et une fortune mobilière plus immense encore, — une telle invasion de religieux imposait à la société laïque de relever les digues que la faiblesse des gouvernants et l’excès de confiance de la démocratie en elle-même avaient laissé emporter.

D’ordinaire, des combattants d’avant-garde sans mot d’ordre, des tirailleurs, des partisans isolés, commencent le feu, portent la guerre chez l’ennemi. Cette fois, ce furent quelques uns des plus sages, mais qui avaient accoutumé de remonter aux causes. Le plus important des groupes du Sénat mit à l’étude les moyens d’empêcher l’envahissement des grandes Écoles militaires et civiles par les élèves des congréganistes[1]. Les doctrinaires s’inquiétèrent, invoquèrent la beauté, un peu oratoire, de la liberté absolue[2]. Mais l’impulsion était donnée. Le Conseil général de la Seine ayant émis le vœu que la loi Falloux fût abrogée[3], deux députés, Levraud et Rabier, apportèrent des propositions dont la seule lecture provoqua un tumulte. L’une qui rétablissait le monopole, comme sous la monarchie de Juillet, l’autre qui interdisait l’enseignement aux religieux et fermait leurs établissements. Rabier définit l’enseignement congréganiste : « Une arme de combat aux mains de fanatiques ou de sceptiques intéressés, pour préparer des ennemis à la République et à l’État laïque. » Cassagnac et de Mun protestèrent, et, avec eux, un homme du centre, le lyonnais Aynard, qui jouissait d’une autorité considérable, et lui, du moins, avait le droit de se réclamer, sans rire, de la liberté. Même Millerand hésita

    istes, etc., sans préjudice des biens aux mains de personnes « tierces », interposées, selon le vieux procédé de dissimulation qui remonte à la bulle de Grégoire IX (Quo elongati).

  1. Union républicaine, séance du 10 novembre 1898.
  2. Temps, Débats du 12.
  3. 16 novembre.