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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


été un fait presque contre nature qu’on n’en trouvât pas le moyen. Ce fut Mimerel (l’avocat qui avait soutenu les pourvois de Picquart contre Esterhazy et Du Paty), qui le découvrit : une demande à la Cour de cassation, en règlement de juges[1].

Le Code d’instruction criminelle[2] décide qu’« il y aura lieu à être réglé de juges par la Cour de cassation », lorsque des tribunaux, de droit commun ou d’exception (ne ressortissant point les uns aux autres), seront saisis de la connaissance des mêmes faits ou de faits connexes. La section criminelle, sur le vu de la requête et des pièces, « ordonne que le tout soit communiqué aux parties » ; l’arrêt « enjoint » à l’un et à l’autre « des parquets concurremment saisis » de transmettre les dossiers ; la notification de l’arrêt « emporte de plein droit sursis au jugement du procès ».

Il n’y avait pas de plus belle « espèce » que le cas de Picquart ; encore fallait-il songer.

En effet, Zurlinden et Chanoine, pour charger davantage Picquart et assurer la condamnation, ne l’avaient pas seulement inculpé de faux, mais encore d’infraction à la loi sur l’espionnage. Or, si Leblois avait bénéficié d’un non-lieu sur la communication des dossiers « Boulot » et « pigeons », ce qui rendait Picquart justiciable de ce chef des tribunaux militaires, ils étaient poursuivis tous deux, devant le tribunal correctionnel, pour communication du « dossier secret de trahison Esterhazy[3] », de sorte que le juge civil eût pu acquitter et

  1. La requête fut délibérée entre les divers avocats de l’Affaire, Demange, Labori, Mimerel et Mornard. Picquart acquiesça à la résolution prise et signa la requête, qui fut déposée le 2 décembre et complétée le 5. (Siècle du 6.)
  2. Titre cinquième, chapitre 1er, articles 525 à 541.
  3. Instr. Fabre, 220, ordonnance de renvoi. — Cass., 6 décembre 1898, Atthalin : « Telle est la qualification… »