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CHAMBRE CRIMINELLE


viseraient des faits connexes à la procédure de revision ou paraîtraient de nature à lui faire obstacle, (C’était le droit même que Dupuy n’avait voulu ni contester ni reconnaître.) Ainsi évitera-t-on un conflit sans issue, le pire de tous, celui qui évoque la formule des guerres civiles : « Laissez faire les justices[1] ! »

Aussitôt Lebret fit toutes réserves sur le fond et s’opposa à l’urgence, qui donnerait à la proposition le caractère d’une loi de circonstance.

Si c’était une loi de circonstance, elle avait été écrite sous la dictée même de la justice, pour la préserver des contradictions scandaleuses et d’une erreur préméditée.

Le Sénat se divisa, 113 voix pour, 113 voix contre. C’était le rejet. Le lendemain, quand le scrutin fut publié, des sénateurs qui avaient voté pour s’aperçurent qu’ils étaient portés comme ayant voté contre, et réciproquement. En fait, l’urgence avait réuni 116 voix contre 112[2]. Pourtant, le vote était acquis.

La commission d’initiative, favorable à la motion de Waldeck-Rousseau, décida de la rapporter à la prochaine séance, du 3 décembre. Le sénateur Fabre, Fournière, à la Chambre, annoncèrent de nouvelles interpellations : « Contrairement à ce qui a été dit et cru, la Cour de cassation ne peut pas intervenir ; quel usage le Gouvernement compte-t-il faire du droit qu’il s’est reconnu d’ordonner le sursis ? »

Il y avait un tel besoin d’empêcher les juges militaires de se déshonorer par une nouvelle injustice que c’eût

  1. C’est ce que Lavisse avait écrit au Temps.
  2. Couteaux, Galtier et Fabre, portés comme ayant voté contre, et Reymond, porté comme s’étant abstenu, avaient voté pour. Lourties, marqué comme s’étant abstenu, et Giraud, comme ayant voté pour, avaient voté contre. (Séance du 5 décembre 1898, observations sur le procès-verbal.)