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CAVAIGNAC MINISTRE


de précis au sujet des faux télégrammes » ; il avait seulement entendu dire « qu’ils étaient de Mlle Pays[1] ». Mais, le juge lui ayant fait voir qu’il n’était pas dupe de ces tardifs mensonges et lui ayant fait prêter serment, il se décida à dire la vérité. Il convint, en outre, qu’il avait remis son dossier à Labori, et accepta d’accompagner Bertulus chez l’avocat, pour en opérer la saisie[2].

Le surlendemain, quand Bertulus se présenta chez Labori, celui-ci protesta qu’on ne pouvait procéder à une saisie chez un avocat, fût-il seulement dépositaire, et que, si Christian ne voulait pas livrer ses papiers, « il se chargeait de les défendre ». Même, il ne consentit pas à remettre le dossier à Christian devant le juge ; il fallut que Christian le prît lui-même, librement, et le passât à Bertulus. André (le greffier) s’amusait beaucoup[3].

Si Mathieu Dreyfus avait fait tenir quelque argent au cousin d’Esterhazy pour avoir les lettres[4], il n’y aurait aucun reproche à lui faire ; mais Christian ne demanda pas un sou et ne reçut rien.

Bertulus, après avoir dépouillé le dossier et entendu de nouveau son témoin, qui était redevenu très affir-

  1. Instr. Bertulus, 9 juillet 1898.
  2. Cass., I, 222 et 282, Bertulus. — Christian, Mémoire, 5. « La Libre Parole blâma ma conduite. Devais-je donc prêter un faux serment ? Ma religion catholique me le défendait. »
  3. 11 juillet 1898. — Souvenirs de Mathieu Dreyfus ; Mémoire de Christian, 18 ; Cass., II, 270, Bertulus.
  4. Esterhazy, Dessous de l’Affaire Dreyfus, 6. — Selon Roget (Cass., I, 104), Christian avait compté recevoir un million. Christian, dans sa lettre du 7 avril 1899 à Mazeau, « jure qu’il n’a jamais demandé de l’argent à MM. Labori et Trarieux, ni à personne, et que jamais personne ne lui en a offert. Qu’on nomme ces personnes à qui j’aurais parlé de l’offre d’un million et, si elles existent, qu’on me confronte avec elles. »