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CHAMBRE CRIMINELLE

La déposition de Picquart, après ces divagations, parut de la lumière. Il raconta simplement les faits auxquels il avait été mêlé ; nulle hypothèse, sauf pour interpréter les pièces du procès, ce qu’il fit avec beaucoup de réserve et de sens, et pour expliquer la collusion, où il attribuait le principal rôle à Du Paty[1].

Picquart fut mené au Palais de Justice, en voiture, par un capitaine de gendarmerie du nom d’Herqué. La première fois qu’il vint, le greffier Ménard, grand lecteur de Drumont, le reçut grossièrement. Herqué « prit vivement parti » pour son prisonnier[2]. Comme Roget n’avait point terminé sa déposition, Lœw ordonna de les faire attendre dans le cabinet du président de la Chambre civile, Quesnay de Beaurepaire, avec l’assentiment de son collègue[3]. Herqué, tout le temps, fit l’empressé. Il dit à Picquart qu’il ne l’accompagnait pas pour le garder, « mais pour le garantir des fâcheux », — ce qui parut exagéré, mais de bon augure, — et conta ses campagnes d’Afrique, ses espérances et ses déboires d’avancement, et que, lui aussi, il était Lorrain[4]. Il l’appelait : « Mon colonel », selon les instructions de Zurlinden qu’il avait sollicitées[5], — les « patriotes » ne le nommant que « M. Picquart », — et, tous les soirs, il adressait au gouverneur de Paris un rapport plein de fiel sur les incidents qu’il avait observés[6].

Le premier jour[7], comme Roget, qui paraissait

  1. 23, 25, 28 et 29 novembre 1898. (Cass., I, 124 à 214.)
  2. Enq. Mazeau, 71, Picquart.
  3. Ibid., 50, Quesnay de Beaurepaire ; 54, Lœw.
  4. Ibid., 71, Picquart.
  5. Rapport Herqué, cité par Lebret (Chambre des députés, 12 janvier 1899).
  6. Rapport d’ensemble. (Même séance.)
  7. 22 novembre 1898.