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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


depuis 1891, Dreyfus « a pu » les commettre[1]. Il n’y a qu’une pièce que Dreyfus ne pouvait pas avoir aisément : le manuel. Ses dénégations, ses protestations d’innocence, autant de preuves contre lui. « Il peut très bien se faire que le bordereau ait été remis à Bruxelles », où Dreyfus est allé. Il en avait un doubla sur lui qui a été saisi à l’île de Ré[2].

Au contraire, Esterhazy n’aurait pu trahir qu’avec la complicité d’Henry[3]. Or, en 1894, ils ne se connaissaient pas, et Henry, « bien que d’une nature grossière et passionnée », était « un très brave soldat » ; la lettre qu’il avait fabriquée « correspondait à l’état d’esprit des attachés militaires en 1896 ». On a offert un demi-million à Esterhazy pour se déclarer l’auteur du bordereau : « S’il me donnait lui-même cette affirmation qu’il a écrit le bordereau, je ne le croirais pas. » Du Paty est un menteur, et Picquart un faussaire ; « malgré la différence de grades et de situation », Roget brûle d’être confronté avec lui[4].

  1. Cass., I, 55, 56, Roget : « Certains actes de trahison, antérieurs à 1892, pouvaient être attribués à Dreyfus… Dreyfus a eu la possibilité d’avoir les plans directeurs… L’initiale D peut désigner Dreyfus… cette pièce peut désigner Dreyfus… » De même, au sujet de l’obus Robin, de l’obus à la mélinite (65). Roget dit que l’expertise du document de l’École de pyrotechnie n’a pu « aboutir à un résultat décisif ». Or, Bertillon lui-même avait attesté que l’écriture n’était pas celle de Dreyfus. (Voir t. III, 593). « Les lettres des attachés étrangers donnent toutes une preuve indirecte de la culpabilité de Dreyfus, par prétérition de son innocence. » (69). « Dreyfus a dû aller aux manœuvres et a cru qu’il irait. » (77). — Cf. Paul Marie, le Général Roget et Dreyfus.
  2. Cass., I, 93, 64, 63, 68, 76, 77, etc., Roget.
  3. Ibid., 61, 97, Roget : « Il n’y a qu’à examiner l’hypothèse d’un concert direct entre Esterhazy et Henry… C’est absolument impossible à moins qu’il n’ait eu un complice à l’État-Major de l’armée. »
  4. Ibid., 61, 97, 101 à 105, 107 et suiv. — Enq. Mazeau, 27.