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CHAMBRE CRIMINELLE


officiers ou soldats, « lorsqu’ils sont en congé ou en permission », ne sont justiciables des conseils de guerre « que pour les crimes de trahison, d’espionnage, d’embauchage, les délits spéciaux contre le devoir militaire[1] ». Ainsi le lieutenant Anastay fut traduit, pour assassinat, devant la cour d’assises et non devant un conseil de guerre ; il fut guillotiné et non fusillé, parce qu’il était en congé au moment où il commit son crime. Enfin, la loi écrite n’a décidé nulle part que la juridiction se règle d’après la qualité des prévenus ou des accusés au moment où le crime ou le délit a été commis ; au contraire, le principe général veut qu’elle se règle par la qualité au moment des poursuites.

C’était la théorie de Dupin ; en 1834, la Cour de cassation s’était prononcée pour le droit commun : « La discipline n’est plus intéressée ; elle n’a plus prise sur le militaire et le marin qui ont cessé de l’être. S’il existe contre eux d’anciens reproches, des réminiscences, il faut rentrer dans les juridictions ordinaires ; ils sont citoyens et doivent en avoir la garantie[2]. » La jurisprudence contraire était fort récente.

Mais ni Labori ni aucun des écrivains revisionnistes ne me suivirent. Il parut plus simple, et plus conforme à la routine nationale, de s’adresser au Gouvernement qu’à la loi, de réclamer l’ajournement du procès après la décision de la Cour de cassation. Ainsi, Dreyfus, à son insu, sauvera Picquart qui a voulu le sauver.

  1. Article 57.
  2. Cour de cassation, 12 avril 1834. Affaire Vauthier-Thoume.