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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


l’ordre du tableau, la condamnation parut certaine[1].

J’avais soulevé une question préjudicielle[2] : savoir si Picquart, officier en réforme, rendu à la vie civile, était justiciable des conseils de guerre pour un fait, crime ou délit, accompli pendant qu’il était sous les drapeaux.

Les principes directeurs du droit public sont certains : d’abord, la Constitution de 1791 qui défend de soustraire un citoyen à ses juges naturels[3] ; puis, le texte même du Code de justice militaire. Les rédacteurs de la loi de 1857, même aux temps les plus épais du second Empire, avaient tenu compte, au moins sur un point, de la forte opinion de Napoléon, quand il proposa au conseil d’État « d’attribuer aux cours impériales la connaissance de tous les crimes et délits commis par des militaires à l’intérieur » : « La justice est une en France ; on est citoyen avant d’être soldat[4]. » En conséquence, ils avaient limité la compétence des conseils de guerre, juridiction d’exception, « aux individus qui appartiennent à l’armée, pendant qu’ils sont en activité de service ou portés présents sur les contrôles[5] ». L’activité de service est si bien la condition nécessaire que les

  1. « Les juges militaires, en condamnant Picquart, opposeront un verdict à un verdict. » (Petit Journal du 17 novembre 1898,)
  2. Siècle du 19 octobre : « L’incompétence du conseil de guerre. » (Crépuscule des traîtres, 87 à 101.)
  3. Titre III, chap. V, art. 4.
  4. Conseil d’État, 21 février 1809.
  5. Article 55 : « Tout individu appartenant à l’armée en vertu soit de la loi de recrutement, soit d’un brevet ou d’une commission, est justiciable des conseils de guerre ». — Picquart n’appartenait plus à l’armée. — Article 56 : « Sont justiciables des conseils de guerre… les officiers de tous les grades, sous-officiers, etc… pendant qu’ils sont en activité de service, ou portés présents sur les contrôles de l’armée, ou détachés pour un service spécial. »