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CAVAIGNAC MINISTRE


et la publier, après l’avoir relue à tête reposée[1].

La longue route était parcourue ; il était arrivé à l’étape, au sacrifice conscient et volontaire de soi-même.

V

Cavaignac, le soir même de son discours, avait annoncé, par une note officielle, l’envoi d’Esterhazy devant un conseil d’enquête.

Pellieux qui, la veille, l’avait vu si arrogant, s’attendait à une explosion ; il reçut, au contraire, une lettre d’excuses[2]. Esterhazy rétractait ses menaces, avec force protestations, jurait de ne pas faire usage de ses papiers et redevenait le plus discipliné des hommes, mettant toute sa confiance dans ses chefs.

Il avait, en effet, d’autres sujets d’inquiétude qu’une simple mise en réforme, parce qu’il connaissait enfin la « trahison » de Christian et que Bertulus, saisi officiellement par Picquart[3], s’était décidé à envoyer au jeune homme une citation à témoin[4]. Or, « bien que cette mesure eût été prise dans le plus grand secret », Esterhazy en fut informé[5]. Il écrivit aussitôt à son

  1. La lettre est datée, en effet, du 9. Picquart m’envoya, par Ducasse, le texte même qu’il avait écrit la veille et que je communiquai au Temps. — Brisson dit qu’il transmit à Cavaignac la lettre de Picquart, en raison de la publicité qui lui avait été donnée : « Je ne pouvais plus faire prendre d’information officieuse. » (Siècle du 13 juillet 1903.)
  2. 8 juillet 1898. (Cass., I, 559, Boisdeffre ; II, 176, Pellieux). — Esterhazy dit que « cette lettre lui fut insinuée par Du Paty ». (Dép. à Londres, Éd. Belge, 89.)
  3. Cass., I, 222, Bertulus.
  4. 4 juillet 1898. Christian, Mémoire, 18.
  5. Cass., I, 233, Bertulus ; Esterhazy, Dessous de l’Affaire, 6.