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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


de la carte-télégramme est écrit avec de l’encre à base de noix de galle, il en résulte que l’auteur des surcharges a trempé sa plume dans l’encre qui a servi aux retouches photographiques. Il a suivi ensuite, pour récrire le nom sur l’adresse, le tracé des lettres primitives ; seuls, les intervalles des lettres ont été grattés. Enfin, si les experts hésitent à attribuer l’écriture de la carte à Schwarzkoppen, ils se refusent formellement à l’imputer à Picquart[1].

On disait autrefois de la vérité « qu’elle jette, lorsqu’elle est à un certain carat, une manière d’éclat auquel l’on ne peut résister »[2]. Tavernier s’obstina à n’en point faire état, et il y fut aidé par Lauth et par Roget. Tous deux virent très bien que le faussaire, encore une fois, c’était Henry, et qu’il avait, à son ordinaire, mal combiné sa supercherie ; mais ils n’en dirent rien. Lauth avait précédemment affirmé : « Je n’ai retouché aucun mot du petit bleu pour les besoins de la photographie[3]. » Bien que ses propres clichés[4] lui donnassent le démenti, l’ami d’Henry persista à nier. Il nia de même qu’il eût trouvé, dans le même cornet que le petit bleu, la lettre au crayon noir signée de la même initiale et manifestement relative à la même affaire[5]. (Dans le même cornet, les deux pièces s’authentiquaient l’une l’autre.) Pour Roget, comme si les experts n’existaient pas, il renouvela toutes ses charges contre le petit bleu, document frauduleux, d’une écriture inconnue au service ; les erreurs de jugement ou

  1. Rapport de l’expert chimiste Lhôte ; rapport des experts en écriture. (31 octobre 1898.)
  2. Retz, Mémoires, III, 49.
  3. Instr. Tavernier, 12 octobre 1898, Lauth.
  4. Clichés sur verre et épreuves photographiques.
  5. Voir t. II, 245. — Instr. Tavernier, 3 octobre et 5 novembre, Lauth ; Cass., I, 144, Picquart.