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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

V

Un incident se produisit, qui marquait chez Dupuy beaucoup plus de mauvaises intentions que de bonnes.

La crise de désespoir, où Dreyfus était tombé en septembre, avait été passagère. Dès le 1er octobre, s’étant ressaisi, il adressa un nouvel appel « à la loyauté « de Boisdeffre, le conjurant « de lui donner une réponse ferme et franche, par conséquent définitive », et lui « offrant sa vie ». En remettant la lettre à Deniel, il dit sa conviction que « Boisdeffre le ferait, cette fois, réhabiliter », que son ancien chef « y mettrait toute sa bonne volonté et tout son cœur », et que, « si cela avait duré si longtemps, c’est que les passions étaient en jeu »[1].

Il traversait maintenant, par contre-coup, une crise d’espoir.

Le gouverneur le fit aviser qu’il recevrait bientôt une réponse. Il écrivit aussitôt à sa femme une lettre joyeuse : « Dans le moment solennel où tu apprendras que le calme, le repos, la vie que tu méritais te sont enfin rendus, dis-toi qu’il y a au loin un cœur de Français, de soldat, dont les fibres vibrent avec celles de ton cœur[2]. » Il consulta ensuite son bourreau, qui, informé, sentant que sa victime allait lui échapper, redoubla de dureté : « Je ne puis m’engager dans des conversations défendues par le règlement, surtout quand vous avez pour habitude de tout dénaturer, ainsi que je tiens à le faire constater devant témoins[3]. » Il lui reprocha de douter de Boisdeffre.

  1. Lettre à Deniel, du 30 octobre 1898.
  2. 27 octobre.
  3. Rapport du 25 novembre.