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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


l’autre. » On rit, les socialistes prirent acte de ses promesses, et 413 voix[1] l’approuvèrent de ne vouloir gouverner qu’avec les républicains.

La Chambre criminelle avait décidé la veille qu’elle procéderait elle-même à l’enquête complémentaire sur Dreyfus, comme le voulait la loi. On a vu que Cavaignac, du premier jour, parla de la dessaisir. Barthou, dans son discours aux progressistes, avait protesté contre une telle hérésie. On crut alors qu’il n’en serait plus question. Cependant Faure avait recueilli l’idée au passage, et tout de suite, deux de ses amis personnels, Goujon, député de Rouen, et Gerville-Réache, député de la Guadeloupe, déposèrent des propositions dans ce sens. Le Normand demandait l’institution d’un tribunal suprême, composé du premier président de la Cour de Paris et de vingt conseillers généraux, tirés au hasard sur une liste annuelle, faisant fonction de jurés. Le mulâtre attribuait le droit de revision aux chambres réunies de la Cour de cassation ; « la loi sera applicable même aux procédures commencées ou en cours au moment de sa promulgation[2] ».

Dupuy et Lebret annoncèrent « qu’ils combattraient ces motions au fond ». Lebret ne dit qu’un mot ; Dupuy insista : « Nous avons déclaré que nous sommes respectueux de la justice ; nous ne donnerons pas l’exemple du contraire… »

  1. Contre 68, les socialistes (Millerand, Pelletan, Sembat, Rouanet) et quelques royalistes (Cochin, Ramel, La Bourdonnaye). Presque toute la droite s’abstint. Drumont et Déroulède votèrent avec la majorité.
  2. Rochefort et Drumont préconisaient, depuis quelques jours, le dessaisissement en faveur des chambres réunies. (2 et 4 novembre.) Gerville-Réache avait soumis sa proposition à la gauche radicale, qui, à l’unanimité, l’avait repoussée.