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CHAMBRE CRIMINELLE


démission de Casimir-Perier. Bien-qu’il eût voté lui-même contre Brisson, il tint beaucoup à garder plusieurs de ses ministres, Delcassé et Lockroy, — à cause de l’affaire de Fachoda, — Peytral qui se fit prier, Viger, sans qui l’on n’eût pu semer les blés d’hiver[1]. Pour faire équilibre à ces quatre radicaux, il s’adjoignit quatre modérés, Krantz et Guillain, fort hostiles à la Revision, Leygues et Delombre, favorables. Cavaignac se remua beaucoup, mais sans trouver d’autre appui que Rochefort : « Le peuple l’imposera[2]. » Mais personne n’en voulait plus entendre parler. Enfin, quand cette cuisine fut achevée et l’acceptation de Freycinet définitive, il rendit sa parole à Ribot, sous prétexte que le nouveau ministre de la Guerre se trouverait mal à l’aise avec l’ancien président du Conseil qui l’avait autrefois « débarqué », aux heures sombres où il était attaqué dans son honneur. Il n’osa pas le lui dire en face, le lui écrivit, comme il sortait ; d’une nouvelle conversation où ils s’étaient trouvés d’accord. Il tenait en réserve pour ce grand ministère de la Justice un député obscur, Lebret, professeur de droit à Caen, qui s’était prononcé violemment contre la Revision ; Drumont l’honorait « comme un honnête homme et un bon citoyen »[3]. Il avait été, en 1885, candidat avec moi, sur la même liste, en Seine-et-Oise ; et, comme on le lui reprocha dans le Calvados, où il avait émigré, il s’écria : « Je ne suis ni juif ni franc-maçon ; je blâme hautement les agissements des Reinach et des Trarieux, et, comme tous les bons Français, je suis indigné par la campagne

  1. « Radical à tout faire, lourd patriotard, ministre de l’Agriculture par destination. » (Ranc, dans le Matin du 1er  novembre 1898.)
  2. Intransigeant du 28 octobre.
  3. Libre Parole du 2 novembre.