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CHAMBRE CRIMINELLE


ceux qui la déshonorent[1]. » Déroulède, qui s’était offert, sans même en obtenir de réponse, à Casimir-Perier[2], avait voulu se servir également de Faure : « Il faut tirer ce pays de l’oligarchie parlementaire, faire un coup d’État pacifique. » Faure l’éconduisit, sans le décourager : « Je connais comme vous le mal dont souffre le pays, mais je suis le serviteur de la Constitution ; elle m’a nommé, je ne puis pas y porter atteinte[3]. » Brisson tombé, Faure consulta, selon le protocole, les présidents et vice-présidents des deux Chambres, quelques personnages consulaires, puis appela Dupuy.

Il lui était reconnaissant de l’avoir fait autrefois, et pour la première fois, ministre, le recevait dans le particulier, le savait homme de résolution et fertile en ressources, bref le tenait tout prêt.

Cela sembla une gageure. Tombé du pouvoir et des honneurs aussi lourdement qu’il y était soudainement monté (en deux ans, deux fois président du Conseil, président de la Chambre, presque président de la République), Dupuy avait paru condamné à n’y plus revenir. On exagérait maintenant sa médiocrité. Il dégageait l’insécurité. Surtout, il était l’auteur, avec Mercier, du procès de Dreyfus.

Son erreur, s’il en fût convenu, eût anobli son retour dans ce moment. Mais les grosses forces étaient encore de l’autre côté. Il avait la notion de l’État, sans laquelle il n’y a point de politique, mais admettait la raison d’État qui la déshonore.

Les votes de la Chambre indiquaient Ribot, par leurs

  1. Lettre de Félix Faure de Rambouillet, le 15 octobre 1898, après la nomination du général Bailloud comme chef de sa maison militaire.
  2. Haute Cour, 18 novembre 1899, Déroulède.
  3. Ibid., 19 novembre.